(CorseMatin) Alors que la liste indépendantiste est en cours de constitution, Paul Leonetti annonce qu’il en prendra la tête. Pour délivrer un message « authentiquement nationaliste » à l’occasion des prochaines municipales
Il occupait la troisième place de la liste d’union des nationalistes aux municipales du mois de mars. Annulation du scrutin oblige, le voilà qui reparaît sur la liste que Corsica Libera présente cette fois en propre aux prochaines élections. Cette fois en tant que chef de file.
Paul Leonetti, chef d’entreprise avisé, a l’expérience des combats politiques difficiles. Il livre son sentiment sur ce nouveau round où il porte la voix d’un nationalisme qui se revendique « sans compromission ».
Ça y est, vous vous êtes décidé à prendre la tête de la liste que Corsica Libera présente finalement à l’occasion de ces municipales ? La décision semble avoir été longue à prendre…
La question ne se pose pas en ces termes. Et surtout pas à un niveau personnel. Nous avons attendu longtemps la réponse des modérés pour reconduire la démarche d’union du mois de mars, qui a été décevante électoralement, comme l’ont relevé nos alliés, mais qui avait du sens politiquement selon nous. C’est pourquoi jusqu’à l’officialisation de la candidature de Femu Aiacciu le mois dernier, nous n’avions pas envisagé d’autre stratégie.
Et c’est durant ce laps de temps que la question d’une adhésion à la liste présentée par Simon Renucci s’est d’ailleurs posée…
En Corse, aujourd’hui, comme en attestent les votes sur le Padduc, le statut de résident et la cooficilaité, il y a les progressistes et les conservateurs. De ce point de vue, l’alliance que nous proposait Simon Renucci était envisageable. Mais cela aurait pu désorienter les électeurs. Nous avons préféré nous confronter au suffrage universel que nous ne craignons pas.
Quant à l’électorat nationaliste, il a bien été obligé de constater que Corsica Libera et Femu a Corsica ne parvenaient pas à s’entendre… Rageant, non ?
Corsica Libera est le produit de la fusion de différents mouvements nationalistes dans une logique de convergence patriotique. Pour incarner la nation corse, nous devons être unis dans la diversité. C’est ce que veulent les électeurs nationalistes et ce que nous aurions voulu leur proposer à nouveau. C’est une déception.
Ces convergences trouvées à l’échelon régional sont donc plus compliquées au niveau local…
Il est impératif que nous soyons présents pour exprimer notre vision d’Ajaccio et participer plus tard à sa gestion. Le combat pour l’émancipation du peuple corse ne passe pas uniquement par les élections territoriales.
Deux listes nationalistes, donc. Quelle sera la spécificité de celle portant les couleurs de Corsica Libera ?
Notre message est clair et n’a pas changé. Corsica Libera est le seul mouvement politique à offrir une réelle lisibilité de ses choix : la citoyenneté, la langue, la lutte contre la spéculation, la protection de l’environnement, l’opposition à la mainmise des multinationales sur notre économie et nos ressources naturelles. Nous sommes à l’origine de toutes les idées qui font aujourd’hui débat. Nous cherchons le consensus sans compromission
Votre liste est d’ores est-elle déjà constituée ?
Elle est en cours de constitution. Les choses se passent bien. Nous la communiquerons d’ailleurs ces prochains jours.
N’avez-vous pas la sensation que vous vous lancez dans cette campagne un peu tardivement ?
Ce n’est absolument pas mon sentiment. Toutes les listes n’ont pas encore été présentées et tout le monde est confronté à une campagne courte. Nous savons néanmoins pouvoir compter sur les électeurs nationalistes soucieux d’émancipation et convaincre les Ajacciens justement désappointés par le spectacle que leur offrent les protagonistes traditionnels du jeu électoral.
Quels seront les principaux axes de votre message ?
Nous parlerons de ce que vivent les Ajacciens au quotidien. Leurs préoccupations sont prioritairement d’ordre social. La politique du logement en fait évidemment partie.
Dans ce domaine, nous affichons une volonté très claire de favoriser les projets qui bénéficieront directement aux résidents plutôt que ceux à visée spéculative. Et s’il est question de construire mille logements sociaux, ce sera pour y loger mille familles ajacciennes qui attendent depuis trop longtemps des propositions, et non pas mille nouveaux arrivants dans une ville exsangue, sans emploi et déjà saturée.
Nous voulons aussi simplifier le système d’aide sociale pour diminuer les coûts de fonctionnement et augmenter les aides, et en finir avec l’opacité qui fait le lit du clientélisme. Nous définirons des critères d’attribution transparents. Ce serait beaucoup plus simple avec une citoyenneté corse.
Les majorités qui se sont succédé à la maison carrée vous rétorqueront qu’elles avaient aussi les mêmes préoccupations à cœur…
Les solutions dans le domaine social, à gauche comme à droite, ont essentiellement consisté à créer de l’emploi public en compromettant gravement l’équilibre budgétaire. Ce qui n’est pas sans incidence sur les impôts locaux et donc le pouvoir d’achat.
Et sur un dossier comme celui du parking Campinchi, qui voit s’opposer très frontalement les camps Renucci et Marcangeli, quel est votre point de vue ?
Il n’est pas question de faire campagne pour ou contre le parking Campinchi.
Je trouve néanmoins cette affaire révélatrice du manque de propositions et d’ambition des protagonistes de ce débat. Nous n’étions pas dans le conseil municipal précédent, mais notre opinion sur ce parking est très mitigée.
Pour notre part, nous préconisons le parcage des voitures aux portes de la cité où l’espace peut être aménagé, notamment dans le secteur de la gare.
Il n’en reste pas moins qu’à l’époque, le parking Campinchi a été voté à l’unanimité, à gauche comme à droite.
Or je trouve étonnant, pour ne pas dire proprement scandaleux, que l’on se dédise par la suite pour interrompre les travaux et faire supporter la charge d’un caprice à l’ensemble de la population. Le coût de cette situation est considérable, une partie de la ville est sinistrée, tout cela me paraît totalement irresponsable…
Plus largement, le fait d’avoir baptisé votre liste Aiacciu cità Corsa renvoie à quelles réalités ?
D’une façon générale, nous sommes attachés à ce que les gens qui vivent ou viennent ici identifient Ajaccio comme une ville corse et non comme n’importe quelle préfecture française. Cela passe par des divers éléments, notamment liés à la langue et la culture, que nous aurons l’occasion de faire connaître rapidement. Comme l’ensemble de nos propositions d’ailleurs, domaine par domaine.
Pour en revenir au scrutin, il s’annonce difficile en raison du contexte général et de la dispersion des voix nationalistes en particulier. Cette participation au 1er tour ne va-t-elle pas surtout revenir à vous compter ?
Si c’était là notre but, il serait bien médiocre.
Je le répète, notre participation à ces municipales découle de notre volonté de réaffirmer ce qui fait de Corsica Libera un mouvement authentiquement nationaliste, sans compromission, mais ouvert et disposé à encourager tout ce qui peut servir l’émancipation du peuple corse.
Quant à la participation éventuelle de Corsica Libera à la gestion municipale, elle ne se discutera pas en fonction du nombre de sièges qui nous seraient dévolus, mais sur le contrat de mandature.
Ce qui revient à évoquer une potentielle alliance dans l’entre-deux-tours…
Notre volonté est de faire le meilleur score possible au 1er tour. S’il devait être question d’une alliance, nous avons déjà évoqué les conditions dans lesquelles elle pourrait s’opérer. Nous nous inscrivons dans un cadre – et les Corses sont de plus en plus nombreux dans ce cas – qui dépasse les faux clivages droite/gauche donnant corps aux affrontements clanistes.
Aujourd’hui, et on le voit à l’assemblée où le ton est désormais plus grave et responsable, une maturité politique se fait jour pour installer un vrai débat : de quels moyens devons-nous nous doter pour préserver ce qui a pu l’être après trente ans de lutte ? Car il là s’agit d’une base précieuse, sur laquelle doit nécessairement reposer le développement de ce pays.
Calendrier oblige, certains établissent un lien très direct entre ces municipales et les prochaines territoriales. Est-ce votre cas ?
Corsica Libera fait de la politique toute l’année et sur l’ensemble du territoire.
Les municipales à Ajaccio ne conditionnent pas les territoriales, mais elles peuvent servir de signal pour le rassemblement des forces patriotiques.
Un bloc nationaliste fort peut attirer à lui des convergences et imposer son rythme et sa vision.
Ce qui s’avère bien plus souhaitable que des alliances opportunistes, qui favoriseraient l’élection de nouveaux visages mais finiraient par déliter petit à petit le discours jusqu’à sa dissolution.